Nichée au cœur des Hauts Plateaux algériens, Bordj Bou Arreridj est une ville fascinante qui mérite d’être découverte. Chef-lieu de la wilaya éponyme, cette cité de taille moyenne allie un riche patrimoine historique à un dynamisme économique remarquable. Dans cet article, nous vous proposons un voyage approfondi à la découverte de Bordj Bou Arreridj, de ses origines à son développement actuel.
Histoire et origines de Bordj Bou Arreridj
L’époque ottomane : naissance d’une place forte stratégique
L’histoire de Bordj Bou Arreridj remonte à l’époque ottomane. Son nom même est révélateur de ses origines : « Bordj » signifie « fort » en arabe, tandis que « Bou Arreridj » fait référence à la tribu sur le territoire de laquelle ce fort a été érigé. La ville trouve ses racines dans une place forte construite par les soldats turcs du beylik de Constantine, visant à contrôler la plaine fertile de la Medjana.
Cette région était alors sous l’influence de la puissante dynastie des Mokrani, qui régnait sur le royaume des Beni Abbes. Ce royaume berbère, bien qu’enclavé dans le territoire ottoman de la régence d’Alger, jouissait d’une certaine autonomie. La construction du fort à Bordj Bou Arreridj s’inscrivait dans une stratégie de contrôle et de surveillance de cette zone stratégique.
Progressivement, un bourg s’est formé autour de la forteresse, attirant des populations venues des différentes tribus de la région. Un marché important s’y est développé, faisant de Bordj Bou Arreridj un carrefour commercial et un point de rencontre entre les populations locales et les représentants du pouvoir ottoman.
La période coloniale française : transformation et résistance
L’arrivée des Français en Algérie au XIXe siècle marque un tournant dans l’histoire de Bordj Bou Arreridj. Vers 1840, d’importants travaux d’aménagement sont entrepris, notamment la construction de remparts autour de la ville pour la protéger des attaques des montagnards.
La Medjana devient alors un territoire militaire, et Bordj Bou Arreridj se transforme en une ville de garnison. Elle devient le siège d’un cercle administratif et militaire, placé sous l’autorité de figures locales comme Ahmed El Mokrani, puis son fils le Cheikh Mohammed El Mokrani.
Un épisode marquant de cette période est l’insurrection de 1871, menée par le Cheikh El Mokrani. Le 15 mars de cette année-là, 6 000 hommes attaquent la ville, provoquant une violente répression de la part des autorités coloniales. Cette révolte, suivie d’exécutions et de déportations massives vers la Nouvelle-Calédonie, a profondément marqué l’histoire de la région.
Malgré ces événements tragiques, Bordj Bou Arreridj continue de se développer sous l’administration française. Elle devient commune mixte en 1868, puis commune de plein exercice en 1870. La ville est reconstruite en 1881 après avoir été incendiée durant l’insurrection, perdant peu à peu son aspect militaire avec la suppression des remparts.
L’indépendance et le développement moderne
Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, Bordj Bou Arreridj connaît, à l’instar d’autres villes algériennes, une importante extension urbaine. Son statut administratif évolue également : d’abord chef-lieu de sous-préfecture en 1956, elle devient chef-lieu de daïra en 1963, avant d’être élevée au rang de chef-lieu de wilaya en 1984.
Cette promotion administrative s’accompagne d’un développement économique significatif. Une zone industrielle est créée entre 1973 et 1976, et divers programmes de développement sont mis en place. Cependant, ce volontarisme étatique a aussi entraîné certains déséquilibres entre l’espace fonctionnel et l’espace administratif, accentuant l’écart entre Bordj Bou Arreridj et les autres agglomérations de sa circonscription.
Géographie et climat de Bordj Bou Arreridj
Une situation stratégique au cœur des Hauts Plateaux
Bordj Bou Arreridj occupe une position géographique stratégique au sein des Hauts Plateaux algériens. Située à 240 km à l’est d’Alger et 72 km à l’ouest de Sétif, la ville se trouve dans la plaine fertile de la Medjana. Cette localisation lui confère un rôle de carrefour entre l’Est et le Centre du pays.
La topographie de la région est caractérisée par un contraste saisissant :
- Au nord, on trouve les monts des Bibans, une chaîne montagneuse qui marque la frontière sud de la Petite Kabylie.
- Au sud s’étend la chaîne du Hodna, annonçant les prémices du désert.
- Entre ces deux ensembles montagneux s’étale la plaine de la Medjana, où se situe Bordj Bou Arreridj.
La ville elle-même est entourée de reliefs variés :
- Les montagnes de Mourissan au nord
- Les Maadhid au sud
- Les hauts plateaux à l’est
- Les monts Tafartast (le « mont chauve ») et Djebel Mansoura à l’ouest
Bordj Bou Arreridj culmine à une altitude de 920 mètres, ce qui lui confère un climat particulier et influence grandement son développement agricole et urbain.
Un climat continental aux contrastes marqués
Le climat de Bordj Bou Arreridj est de type continental, caractéristique des Hauts Plateaux algériens. Il se distingue par des contrastes thermiques importants :
- Étés chauds et secs : Les températures peuvent atteindre des sommets, dépassant fréquemment les 35°C au cœur de la saison estivale.
- Hivers froids : La ville connaît des températures parmi les plus basses d’Algérie durant la période hivernale. Il n’est pas rare que le mercure descende en dessous de 0°C, avec parfois des épisodes de neige.
La pluviométrie annuelle oscille entre 300 et 700 mm, avec une répartition inégale au cours de l’année. Les précipitations sont plus abondantes en automne et au printemps, tandis que l’été est marqué par une sécheresse prononcée.
Ce climat continental influence fortement les activités agricoles de la région, favorisant certaines cultures tout en imposant des contraintes pour d’autres. Il a également un impact sur l’urbanisme et l’architecture de la ville, qui doivent s’adapter à ces variations climatiques importantes.
Hydrographie : des ressources précieuses
Malgré son climat semi-aride, la wilaya de Bordj Bou Arreridj dispose de ressources hydrographiques non négligeables :
- Oued Bou Sellam : C’est le principal cours d’eau traversant la wilaya. Il joue un rôle crucial dans l’irrigation des terres agricoles.
- Oued el Ksoub : Situé dans le sud de la wilaya, il contribue également à l’approvisionnement en eau de la région.
- Barrage d’Aïn Zada : Cette infrastructure hydraulique majeure permet de réguler les ressources en eau et d’assurer l’approvisionnement des populations et des cultures.
La wilaya est également réputée pour ses sources thermales. On recense pas moins de 200 sources aux vertus curatives, dont les plus connues sont :
- Hammam El Biban : Situé à l’ouest, il a fait l’objet d’une rénovation récente.
- Hammam Ibaynan : Cette source thermale se trouve au nord de la wilaya.
Ces ressources hydrographiques, bien que limitées, jouent un rôle crucial dans le développement de la région, tant pour l’agriculture que pour le tourisme thermal.
Démographie et société à Bordj Bou Arreridj
Une croissance démographique soutenue
La population de Bordj Bou Arreridj a connu une croissance significative au fil des décennies. Voici un aperçu de cette évolution démographique :
Année | Population |
---|---|
1977 | 54 505 |
2008 | 168 346 |
Cette augmentation spectaculaire de la population en l’espace de trois décennies témoigne du dynamisme démographique de la ville. Cependant, il est à noter que le taux de croissance annuel a connu une baisse progressive :
- 7% au cours de la période 1954-1966
- 4% entre 1977 et 1987
Cette tendance à la baisse du taux de croissance démographique s’explique par divers facteurs, notamment l’évolution des comportements sociaux et l’amélioration de l’accès à l’éducation et à la santé.
Une ville primatiale dans une wilaya rurale
Bordj Bou Arreridj occupe une position dominante au sein de sa wilaya. Alors que la wilaya dans son ensemble conserve un caractère rural prononcé, la ville concentre une part importante de la population et des activités économiques.
Cette situation de ville primatiale n’est pas sans conséquences :
- Elle accentue les déséquilibres territoriaux au sein de la wilaya
- Elle entraîne une pression accrue sur les infrastructures et les services urbains de Bordj Bou Arreridj
- Elle stimule l’exode rural des zones environnantes vers la ville-centre
Les autorités locales sont conscientes de ces enjeux et travaillent à un développement plus équilibré du territoire, notamment à travers la création de zones d’activités dans d’autres communes de la wilaya.
Une mosaïque culturelle et linguistique
La population de Bordj Bou Arreridj et de sa wilaya se caractérise par une riche diversité culturelle et linguistique. Cette mosaïque est le fruit de l’histoire et de la position géographique de la région, à la croisée de différentes influences :
- Culture hodnanienne : Présente surtout dans le sud de la wilaya, en lien avec la wilaya voisine de M’Sila
- Culture bordjienne : Caractéristique du centre de la wilaya, elle s’inscrit dans la culture plus large des Hauts Plateaux de l’Est algérien
- Culture kabyle : On la retrouve principalement dans les villes du nord de la wilaya
Sur le plan linguistique, la situation est tout aussi diverse :
- La majorité de la population est arabophone
- Une minorité berbérophone est présente, principalement dans les villages du nord et de l’ouest de la wilaya, comme Jaafra, Mansoura, Medjana et une partie de Zemmoura
Cette diversité culturelle et linguistique constitue une richesse pour la région, favorisant les échanges et le dialogue interculturel. Elle pose également des défis en termes de cohésion sociale et de politique linguistique, que les autorités locales s’efforcent de relever.
Économie et développement de Bordj Bou Arreridj
Une ville au cœur d’une région agricole
Bien que Bordj Bou Arreridj soit aujourd’hui connue pour son dynamisme industriel, la ville reste profondément ancrée dans une région à forte vocation agricole. La wilaya de Bordj Bou Arreridj présente une diversité de terroirs qui se prêtent à différents types de cultures :
- La zone des hautes plaines : Elle est réputée pour son haut rendement céréalier. Les vastes étendues planes et le climat continental sont particulièrement propices à la culture du blé et de l’orge.
- La zone montagneuse des Bibans au nord : Cette région est dominée par l’arboriculture, avec une prédominance de l’olivier et du figuier. On y trouve de nombreuses huileries traditionnelles, perpétuant un savoir-faire ancestral dans la production d’huile d’olive.
- La zone steppique au sud-ouest : Cette partie de la wilaya est principalement vouée à l’élevage pastoral. On y pratique également une agriculture extensive, associant céréaliculture et jachère.
Cette diversité agricole constitue un atout majeur pour l’économie locale, assurant une certaine résilience face aux aléas économiques. Elle contribue également à maintenir un tissu rural vivant autour de la ville de Bordj Bou Arreridj.