Nichée dans les contreforts des montagnes de l’est algérien, Souk Ahras est une ville qui respire l’histoire. Ancienne Thagaste romaine et berceau de saint Augustin, cette cité millénaire a traversé les époques en conservant les traces de son riche passé. Aujourd’hui chef-lieu de wilaya, Souk Ahras continue de jouer un rôle important dans cette région frontalière avec la Tunisie, entre tradition et modernité.
Une situation géographique stratégique
Souk Ahras occupe une position privilégiée dans l’est de l’Algérie :
- Située à 100 km au sud-est d’Annaba
- À 75 km au sud-est de Guelma
- À proximité de la frontière tunisienne
- Chef-lieu de la wilaya du même nom
Cette localisation en a fait de tout temps un carrefour stratégique entre le littoral méditerranéen, les hauts plateaux et la frontière tunisienne. La ville se trouve au cœur d’une région montagneuse, entourée de reliefs boisés comme le djebel Beni Salah.
Un climat méditerranéen nuancé
Souk Ahras bénéficie d’un climat méditerranéen influencé par plusieurs facteurs :
- Proximité de la mer Méditerranée (80 km)
- Situation dans une cuvette entourée de montagnes
- Altitude moyenne de 600 m
Ces éléments confèrent à la ville un climat semi-humide caractérisé par :
- Des étés chauds et secs
- Des hivers froids et humides
- Une pluviométrie moyenne de 800 mm par an
- Des températures variant de 10°C en janvier à 35°C en juillet-août
Ce climat favorable a permis le développement d’une végétation méditerranéenne variée dans la région, avec notamment d’importantes surfaces boisées.
Une histoire plurimillénaire
L’histoire de Souk Ahras remonte à la plus haute Antiquité. La région a connu une occupation humaine continue depuis la préhistoire, comme en témoignent de nombreux vestiges archéologiques.
La préhistoire : des premiers occupants aux Numides
Les premières traces d’occupation humaine dans la région de Souk Ahras remontent au Paléolithique moyen :
- Culture atérienne (80 000 à 20 000 av. J.-C.)
- Culture capsienne (10 000 à 6 000 av. J.-C.)
Des outils en pierre taillée et des pointes de flèches datant de ces périodes ont été découverts sur plusieurs sites, notamment à Tiffech et Taoura. À partir du IIIe millénaire av. J.-C., la région est occupée par des populations berbères sédentaires qui pratiquent l’agriculture et l’élevage.
Au Ier millénaire av. J.-C., la région de Souk Ahras fait partie du royaume numide. Les Numides y développent une civilisation originale, mêlant influences berbères et puniques. Plusieurs centres urbains voient le jour, dont l’antique Thagaste, ancêtre de Souk Ahras.
L’époque romaine : l’âge d’or de Thagaste
La conquête romaine de la Numidie à partir de 146 av. J.-C. marque un tournant dans l’histoire de la région. Thagaste devient une cité romaine prospère :
- Obtention du statut de municipe sous l’empereur Auguste
- Construction de nombreux monuments et édifices publics
- Développement économique (agriculture, commerce)
- Rayonnement culturel et intellectuel
C’est dans ce contexte que naît à Thagaste, le 13 novembre 354, Aurelius Augustinus, le futur saint Augustin. Ce penseur et théologien majeur du christianisme passera son enfance et sa jeunesse dans sa ville natale avant de poursuivre ses études à Madaure puis Carthage.
Thagaste connaît son apogée aux IIIe et IVe siècles, comme en témoignent les vestiges archéologiques :
- Forum
- Thermes
- Temples
- Théâtre
- Nécropoles
La ville est alors un centre urbain important de la province romaine de Numidie, relié par une voie romaine à Hippone (Annaba) et Theveste (Tébessa).
De l’Antiquité tardive au Moyen Âge
La fin de l’Empire romain d’Occident marque le début d’une période troublée pour Thagaste :
- Invasion vandale en 435
- Reconquête byzantine en 534
- Conquête arabo-musulmane à partir de 647
La ville perd progressivement de son importance mais reste habitée. Elle prend le nom arabe de Souk Ahras (« marché des lions ») en référence au commerce des peaux de lions qui y avait lieu.
Au Moyen Âge, Souk Ahras fait partie successivement de plusieurs dynasties musulmanes :
- Aghlabides (800-909)
- Fatimides (909-972)
- Zirides (972-1148)
- Almohades (1148-1235)
- Hafsides (1235-1574)
La ville conserve une certaine importance comme centre commercial et relais sur les routes caravanières entre le littoral et l’intérieur des terres.
La période ottomane
À partir de 1515, Souk Ahras passe sous domination ottomane. La ville est intégrée au beylik de Constantine, l’une des trois provinces de la Régence d’Alger. Elle devient le siège d’un caïdat (circonscription administrative) confié aux chefs de la puissante tribu des Hanencha.
Sous l’administration ottomane, Souk Ahras connaît une période de relative stabilité, mais son développement reste limité. La ville conserve néanmoins son rôle de marché régional et d’étape sur les routes commerciales.
La colonisation française
L’occupation française de l’Algérie à partir de 1830 marque une nouvelle étape dans l’histoire de Souk Ahras :
- 1843 : prise de la ville par les troupes françaises
- 1856 : création d’un centre de colonisation
- 1884 : érection en commune de plein exercice
Sous l’administration coloniale, Souk Ahras connaît d’importantes transformations :
- Développement urbain (nouveaux quartiers, équipements publics)
- Essor économique (agriculture, commerce)
- Arrivée de colons européens
La ville devient un important nœud ferroviaire, reliée à Constantine, Annaba et la Tunisie. Elle joue un rôle stratégique dans le contrôle de la région frontalière.
La guerre d’indépendance
Pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), Souk Ahras et sa région sont le théâtre d’intenses combats :
- Création de la « base de l’Est » de l’ALN en 1957
- Nombreuses batailles et embuscades
- Bombardement de Sakiet Sidi Youssef (Tunisie) en 1958
La ville joue un rôle crucial dans l’acheminement d’armes et de combattants depuis la Tunisie vers l’intérieur de l’Algérie. Elle paie un lourd tribut à la guerre, avec de nombreuses victimes civiles et militaires.
Souk Ahras aujourd’hui : entre tradition et modernité
Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, Souk Ahras a connu d’importantes évolutions :
- 1974 : création de la wilaya de Souk Ahras
- Développement urbain et démographique
- Modernisation des infrastructures
- Diversification économique
Aujourd’hui, Souk Ahras est une ville dynamique qui s’efforce de concilier son riche patrimoine historique avec les défis de la modernité.
Une démographie en croissance
La population de Souk Ahras a connu une forte augmentation depuis l’indépendance :
Année | Population |
---|---|
1966 | 41 434 |
1987 | 95 449 |
1998 | 126 898 |
2008 | 156 745 |
2021 (estimation) | 190 000 |
Cette croissance démographique s’est accompagnée d’une extension urbaine importante, avec la création de nouveaux quartiers et lotissements.
Une économie diversifiée
L’économie de Souk Ahras repose sur plusieurs secteurs :
- Agriculture : céréaliculture, élevage, arboriculture
- Industrie : agroalimentaire, matériaux de construction
- Services : commerce, administration
- Tourisme : patrimoine historique et naturel
La ville bénéficie de sa position stratégique près de la frontière tunisienne, qui favorise les échanges commerciaux transfrontaliers. Le développement de zones industrielles et de parcs d’activités vise à attirer de nouveaux investissements.
Un patrimoine historique valorisé
Souk Ahras s’efforce de préserver et de mettre en valeur son riche patrimoine historique :
- Restauration de monuments anciens
- Création d’un musée archéologique
- Valorisation des sites romains de la région
- Promotion du tourisme culturel
Le célèbre olivier de saint Augustin, arbre millénaire sous lequel le saint aurait médité, est devenu un symbole de la ville et un lieu de pèlerinage.
Des défis à relever
Malgré ses atouts, Souk Ahras fait face à plusieurs défis :
- Amélioration des infrastructures urbaines
- Lutte contre le chômage, notamment des jeunes
- Préservation de l’environnement
- Développement du tourisme
Les autorités locales s’efforcent de mettre en œuvre des projets de développement pour répondre à ces enjeux et améliorer la qualité de vie des habitants.
Un patrimoine archéologique exceptionnel
La région de Souk Ahras recèle de nombreux sites archéologiques témoignant de son riche passé :
Thagaste : la ville natale de saint Augustin
Les vestiges de l’antique Thagaste se trouvent sous la ville moderne de Souk Ahras. Plusieurs éléments ont été mis au jour :
- Restes du forum romain
- Thermes
- Nécropoles
- Citernes et aqueducs
Des fouilles archéologiques ont permis de mieux comprendre l’organisation et l’évolution de la cité romaine. Un musée archéologique présente les principales découvertes effectuées sur le site.
Madaure : un centre intellectuel antique
À 27 km au sud de Souk Ahras se trouve le site de Madaure (M’daourouch), importante cité romaine où saint Augustin fit ses études. On y trouve :
- Un vaste forum
- Un théâtre bien conservé
- Des thermes
- Une basilique chrétienne
- Une nécropole mégalithique pré-romaine
Madaure était réputée dans l’Antiquité pour ses écoles et ses institutions culturelles. Le site offre un aperçu fascinant de la vie urbaine à l’époque romaine.