Nichée au cœur des Hauts Plateaux du nord-est de l’Algérie, la ville de Sétif fascine par son riche patrimoine historique et son dynamisme économique. Ancienne capitale de la Maurétanie Sétifienne à l’époque romaine, Sétif a traversé les siècles en conservant les traces de son passé glorieux tout en s’imposant comme un pôle commercial et industriel majeur de l’Algérie moderne. Découvrons ensemble cette cité millénaire aux multiples facettes, entre vestiges antiques, culture berbère et arabe, gastronomie savoureuse et nature préservée.
Histoire et patrimoine de Sétif
Des origines préhistoriques à l’Antiquité romaine
L’histoire de Sétif remonte à la nuit des temps. Des découvertes archéologiques majeures attestent d’une présence humaine dans la région il y a plus de 2 millions d’années :
- Le site préhistorique d’Aïn El Ahnech, situé à quelques kilomètres à l’est de la ville actuelle, a livré des vestiges lithiques oldowayens datés d’environ 2,4 millions d’années.
- En 2018, le site d’Aïn Boucherit a révélé des outils en pierre taillée vieux de 1,9 à 2,4 millions d’années, faisant de Sétif l’un des plus anciens sites de présence humaine connus en Afrique du Nord.
À l’époque antique, la région de Sétif faisait partie du royaume berbère de Numidie. La ville elle-même, alors nommée Sitifis, fut fondée au Ier siècle av. J.-C. Sous l’Empire romain, elle connut un essor considérable et devint la capitale de la province de Maurétanie Sétifienne au IVe siècle.
Vestiges romains et byzantins
De cette période faste, Sétif conserve de nombreux vestiges archéologiques qui témoignent de son importance stratégique et de sa prospérité :
- Les remparts de la cité antique, dont certaines portions sont encore visibles
- Les ruines d’un temple romain
- Les vestiges d’un cirque monumental
- Le mausolée dit « de Scipion », imposant monument funéraire
- La forteresse byzantine, édifiée au VIe siècle, dont les murs ouest et sud subsistent
Ces trésors archéologiques font aujourd’hui la fierté des Sétifiens et attirent de nombreux visiteurs passionnés d’histoire antique.
La période islamique
Au VIIe siècle, Sétif passa sous domination arabo-musulmane. La ville fut successivement administrée par les grandes dynasties qui régnèrent sur le Maghreb :
- Omeyyades
- Abbassides
- Aghlabides
- Fatimides
- Zirides
- Almohades
- Hafsides
- Zianides
- Royaume des Beni Abbes
- Ottomans
Des fouilles archéologiques menées dans les années 1980 ont mis au jour des vestiges datant de cette période islamique, notamment des habitations datées entre le VIIe et le Xe siècle. Ces découvertes permettent de mieux comprendre l’évolution urbaine de Sétif au début de l’ère musulmane.
L’époque coloniale française
En 1838, dans le cadre de la conquête de l’Algérie, Sétif fut prise par l’armée française. La ville connut alors d’importantes transformations :
- 1843 : Mise en chantier du premier plan urbain
- 1846 : Formation d’une cité européenne
- 1847 : Création officielle d’une ville européenne par ordonnance royale
- 1850 : Sétif devient un important centre de peuplement colonial
La colonisation s’intensifia sous le Second Empire, avec une structuration urbaine qui donna naissance à l’actuel centre-ville. En 1877, la construction de la gare ferroviaire sur la ligne Alger-Constantine marqua une étape importante dans le développement de la cité.
Les massacres du 8 mai 1945
Le 8 mai 1945, alors que l’Europe célébrait la fin de la Seconde Guerre mondiale, Sétif fut le théâtre d’événements tragiques qui marquèrent un tournant dans l’histoire de l’Algérie coloniale. Une manifestation nationaliste pacifique dégénéra en affrontements sanglants, suivis d’une répression brutale par les autorités françaises.
Le bilan humain de ces massacres reste controversé :
Source | Estimation du nombre de victimes algériennes |
---|---|
Autorités françaises de l’époque | 1 165 |
Parti du Peuple Algérien (1945) | 45 000 |
Historiens contemporains | Entre 6 000 et 30 000 |
Ces événements tragiques sont considérés comme l’un des déclencheurs de la guerre d’indépendance algérienne qui débuta en 1954. Aujourd’hui, Sétif porte le surnom de « ville du Martyr » en mémoire de ces victimes.
Géographie et climat de Sétif
Une situation privilégiée sur les Hauts Plateaux
Sétif jouit d’une position géographique stratégique au cœur des Hauts Plateaux du nord-est algérien :
- Altitude : 1 100 mètres
- Distance d’Alger : 252 km à l’est-sud-est
- Distance de Constantine : 127 km à l’ouest
- Distance d’Annaba : 283 km à l’ouest-sud-ouest
La ville se situe au sud de la Petite Kabylie, dans une région caractérisée par une topographie variée :
- Au nord : l’Atlas tellien, avec le mont Babor culminant à 2 004 mètres
- Au centre : une vaste plaine fertile
- Au sud : les contreforts des Aurès
Cette diversité géographique confère à Sétif des paysages contrastés et une richesse naturelle exceptionnelle.
Un climat continental aux saisons marquées
Sétif bénéficie d’un climat semi-aride (classification de Köppen-Geiger : BSk) caractérisé par :
- Des étés chauds et secs
- Des hivers froids et pluvieux
Les températures connaissent d’importantes variations saisonnières :
Saison | Températures moyennes | Particularités |
---|---|---|
Été | 25°C à 35°C | Vagues de chaleur fréquentes en juillet-août (jusqu’à 40°C) |
Hiver | 0°C à 10°C | Chutes de neige fréquentes (jusqu’à 40 cm) |
Les précipitations sont inégalement réparties au cours de l’année :
- Mois le plus pluvieux : avril
- Mois le plus sec : juillet
La pluviométrie varie également selon les zones :
- Nord de la wilaya : 700 mm/an
- Zone des Hauts Plateaux : 400 mm/an
Ce climat particulier influence fortement l’agriculture et le mode de vie des habitants de Sétif.
Culture et patrimoine de Sétif
Un musée national riche en trésors archéologiques
Le Musée national de Sétif, inauguré en 1985 et promu au rang de musée national en 1992, constitue un incontournable pour les amateurs d’histoire et d’archéologie. Situé à l’est de l’ancienne citadelle, face au siège de la wilaya, il propose un parcours chronologique à travers cinq espaces thématiques :
- La Préhistoire : témoignages des premiers peuplements humains dans la région
- L’époque numide : vestiges de la civilisation berbère antique
- Les périodes romaine et byzantine : mosaïques, céramiques, objets en verre et en bronze
- La période islamique : poteries fatimides et art hammadite
- Numismatique : monnaies antiques et médiévales
Parmi les pièces maîtresses du musée, on peut citer :
- La mosaïque de Vénus, chef-d’œuvre de l’art romain
- La mosaïque de Bacchus, autre témoignage exceptionnel de l’Antiquité
- Des stèles funéraires richement ornées
- Une collection de céramiques islamiques aux motifs raffinés
Ce musée offre une plongée fascinante dans l’histoire millénaire de Sétif et de sa région.
La fontaine Aïn El Fouara, emblème de la ville
Au cœur de Sétif se dresse l’un des monuments les plus emblématiques de la ville : la fontaine Aïn El Fouara. Érigée en 1898, cette œuvre du sculpteur français Francis de Saint-Vidal représente une nymphe nue surplombant un bassin, flanquée d’un lion. La fontaine est devenue un véritable symbole de Sétif, prisée des habitants comme des visiteurs.
L’histoire de la fontaine Aïn El Fouara est jalonnée d’anecdotes :
- Son nom signifie « la source jaillissante » en arabe
- Elle fut initialement conçue pour Paris, mais fut finalement installée à Sétif
- En 1997, elle fut vandalisée par un extrémiste religieux, avant d’être restaurée
Aujourd’hui, Aïn El Fouara demeure un lieu de rendez-vous populaire et un incontournable du patrimoine sétifien.
L’ancienne mosquée, témoin de l’héritage islamique
Parmi les monuments historiques de Sétif, l’ancienne mosquée (El Masjid el Atik) occupe une place particulière. Bien que sa date de construction précise soit inconnue, elle témoigne de l’importance de l’héritage islamique dans la ville. Son architecture sobre et élégante en fait un exemple intéressant de l’art religieux maghrébin.
Un riche patrimoine immatériel
Au-delà de ses monuments, Sétif possède un patrimoine culturel immatériel d’une grande richesse, fruit de son histoire et de sa position géographique à la croisée de différentes influences :
- Traditions berbères : notamment dans la région montagneuse des Babors au nord-ouest
- Culture arabo-sétifienne : prédominante dans le centre de la wilaya
- Héritage ketama : présent à l’est et au nord-est
- Influence chaoui : perceptible dans l’extrême sud de la wilaya
Cette diversité culturelle se reflète dans de nombreux aspects de la vie quotidienne : artisanat, musique, danses traditionnelles, contes et légendes.
Une gastronomie savoureuse et variée
La cuisine sétifienne, à l’image de sa culture, puise dans diverses influences pour offrir des saveurs uniques. Parmi les spécialités locales, on peut citer :
- Le berboucha : couscous à l’agneau, aux navets et aux cardes
- La mferemsa : plat de pâte arrosé d’une sauce sucrée-salée aux fruits secs
- La chorba frik : soupe traditionnelle au blé concassé et à la viande
- Les bourek : feuilles de brick farcies et frites
- Le méchoui : agneau grillé, plat de fête par excellence