Nichée au pied de l’Atlas Blidéen, Blida est une ville algérienne riche d’histoire et de culture. Surnommée « la ville des roses » pour ses magnifiques jardins fleuris, cette cité captivante mêle héritage andalou, influences ottomanes et modernité algérienne. Découvrons ensemble les multiples facettes de Blida, de sa fascinante histoire à son rôle économique actuel, en passant par ses sites remarquables et ses traditions préservées.
Histoire et origines de Blida
La fondation au XVIe siècle
Contrairement à d’autres villes algériennes millénaires comme Tlemcen ou Constantine, Blida est une création relativement récente. Sa fondation remonte au XVIe siècle, plus précisément vers 1519. Deux éléments clés ont présidé à sa naissance :
- La présence du saint homme Sidi Ahmed el Kbir sur les rives de l’oued Roumman-El Kebir
- L’arrivée d’un groupe de réfugiés andalous originaires de la région de Valence en Espagne
Sidi Ahmed el Kbir, un homme pieux ayant longuement voyagé dans le monde musulman, s’était établi au confluent de l’Oued Taberkachent et de Châabet-ar-Rommân. Son ermitage, rapidement entouré d’une zaouïa (école coranique), devint un lieu de pèlerinage fréquenté.
En 1535, avec l’appui du Pacha d’Alger Kheir-ed-Din Barberousse, Sidi Ahmed fonda une cité pour accueillir les réfugiés andalous. Ces derniers apportèrent avec eux leurs techniques avancées d’irrigation et la culture des agrumes, entourant la nouvelle ville de vergers qui allaient faire sa renommée.
Développement sous la période ottomane
Sous l’impulsion des Andalous, la « Petite Ville » (Blida en arabe) connut une croissance rapide. Elle devint un important entrepôt commercial entre le Titteri (région du sud) et la capitale de la Régence d’Alger. La création de vastes orangeraies attira également l’élite ottomane :
« Les Turcs et les Raïs qui s’étaient enrichis soit dans les razzias sur les tribus arabes, soit dans la course sur les vaisseaux des Chrétiens, firent de Blida leur ville de plaisance » (Trumelet, 1887)
Au XVIIIe siècle, Blida était devenue une cité prospère et cosmopolite. Sa population, estimée entre 6 000 et 7 000 habitants à son apogée, se composait d’Andalous, d’Arabes, de Turcs, de Kouloughlis (descendants de Turcs et de femmes locales), de Juifs et de Mozabites.
Les défis naturels : tremblements de terre récurrents
Malgré sa beauté et sa prospérité, Blida dut faire face à un fléau récurrent : les séismes. La ville fut frappée par plusieurs tremblements de terre dévastateurs :
Année | Conséquences |
---|---|
1601 | Dégâts importants |
1716 | Destruction partielle |
1825 | Le plus grave : près de 50% de la population périt |
1867 | Nouveaux dommages significatifs |
Le séisme de 1825 fut particulièrement dévastateur. Il détruisit une grande partie de la ville et fit périr près de la moitié de ses habitants. Lorsque les troupes françaises arrivèrent en 1830, Blida n’était que partiellement relevée de ses ruines.
La période coloniale française
L’arrivée des Français marqua un tournant dans l’histoire de Blida :
- 1830 : Première pénétration des troupes du général Clauzel
- 1839 : Occupation définitive de la ville
Blida devint alors une importante ville de garnison. L’administration coloniale entreprit une profonde restructuration urbaine :
- Sur les quatre mosquées de la ville :
- Une fut convertie en église catholique
- Une autre transformée en caserne
- Les deux restantes furent laissées au culte musulman
- Le tissu urbain ancien fut largement rasé, ne laissant pas subsister de médina
- Un plan d’urbanisme en damier, typique des villes coloniales, fut mis en place
Aux portes de la ville, trois villages de colonisation furent créés :
- Joinville (1843)
- Montpensier (1843)
- Dalmatie (1844)
Au début du XXe siècle, Blida ressemblait à une sous-préfecture française, coquette au milieu de ses vergers d’agrumes. L’écrivain André Gide célébra d’ailleurs sa beauté dans ses écrits.
En 1954, à la veille de la guerre d’indépendance, la ville comptait 44 000 habitants, dont environ 15 000 Européens.
Géographie et situation de Blida
Un site de piémont méditerranéen classique
Blida occupe une position géographique stratégique, caractéristique de nombreuses villes du bassin méditerranéen. Son site présente plusieurs avantages :
- Contact entre montagne et plaine :
- Au sud : l’Atlas Blidéen, culminant à plus de 1 600 mètres d’altitude
- Au nord : la vaste plaine fertile de la Mitidja
- Implantation sur un cône de déjection :
- Formé par l’oued Roumman-El Kebir
- Offre une position surélevée, à l’abri des inondations
- Sols légers et fertiles, idéaux pour l’arboriculture (notamment les agrumes)
Cette situation de piémont permet à Blida d’assurer une fonction de liaison entre deux écosystèmes complémentaires : la montagne et la plaine. Historiquement, cela a favorisé les échanges économiques et culturels.
Influence du site sur le développement urbain
La topographie particulière du site a fortement influencé la structure urbaine de Blida :
- Plan en éventail : les grandes artères et routes épousent les radiales du cône de déjection
- Contraintes naturelles :
- À l’est : le versant montagneux limite l’expansion
- Au sud : la vallée de l’oued constitue une frontière naturelle
- Directions d’expansion récente : l’urbanisation s’est principalement développée vers le nord et l’ouest, entre les branches de l’éventail
- Nouveaux quartiers d’habitation
- Implantation de grands équipements
- Remarque : Cette expansion s’est faite au détriment des meilleures orangeraies de la région
Position stratégique au cœur de la Mitidja
Blida bénéficie d’une localisation centrale au sein de la plaine de la Mitidja :
- Équidistance relative entre les extrémités ouest et est de la plaine
- Contrôle des axes de communication importants :
- Gorges de la Chiffa : vers le sud (Médéa, Djelfa)
- Couloir de Bou Medfa : vers l’ouest (Chlef, Oran)
Cette position aurait pu faire de Blida une véritable métropole régionale. Cependant, la proximité d’Alger (moins de 50 km) a limité ce potentiel.
Climat
Blida jouit d’un climat méditerranéen typique, caractérisé par :
- Des étés chauds et secs
- Des hivers doux et humides
La présence de l’Atlas Blidéen joue un rôle important :
- Protection contre les vents secs du sud (en provenance des Hauts Plateaux)
- Favorise des précipitations plus abondantes que dans la plaine
Paramètre climatique | Valeur moyenne |
---|---|
Température annuelle moyenne | 17,9°C |
Précipitations annuelles | Environ 800 mm |
Classification de Köppen | Csa (Méditerranéen à été chaud) |
Ce climat est particulièrement propice à l’agriculture, notamment :
- La culture des agrumes
- L’arboriculture fruitière
- Le maraîchage
Blida aujourd’hui : démographie et urbanisation
Une croissance démographique spectaculaire
Depuis l’indépendance de l’Algérie, Blida a connu une explosion démographique remarquable :
Année | Population | Rang national |
---|---|---|
1954 | 44 000 | 9e ville d’Algérie |
1977 | 116 949 | 5e ville d’Algérie |
2008 | 163 586 (commune) 331 779 (unité urbaine) | 5e ville d’Algérie |
Cette croissance fulgurante s’explique par plusieurs facteurs :
- Exode rural massif : Blida a servi de « filtre » à l’exode rural généré à partir de tout le pays vers la capitale Alger
- Croissance naturelle élevée : caractéristique de la démographie algérienne post-indépendance
- Attractivité économique : développement industriel et tertiaire
Défis urbains et problématiques de logement
Cette croissance rapide a engendré d’importants défis en matière d’urbanisme et de logement :
- Saturation du centre-ville : le noyau urbain historique ne peut plus absorber la population croissante
- Programmes de grands ensembles : construction de cités d’habitat collectif en périphérie
- Avantage : logement rapide d’une population nombreuse
- Inconvénient : qualité urbaine et architecturale parfois discutable
- Intégration des anciens villages coloniaux : Joinville, Montpensier et Dalmatie ont été absorbés par l’expansion urbaine
- Prolifération de l’habitat informel :
- Quartiers construits sans permis (Bou Arfa, Ouled Yaich)
- Réponse des catégories modestes et moyennes aux difficultés d’accès au logement formel
- Pression sur les espaces agricoles : l’urbanisation grignote progressivement les célèbres orangeraies qui faisaient la renommée de Blida
Face à ces défis, les autorités locales tentent de mettre en place des politiques urbaines plus cohérentes, visant à :
- Résorber l’habitat précaire
- Améliorer la qualité des nouveaux quartiers
- Préserver les espaces verts et agricoles périurbains