Le 14 novembre 2018, un changement important s’est opéré au sein du Front de Libération Nationale (FLN), le parti au pouvoir en Algérie. Le président Abdelaziz Bouteflika a choisi Mouad Bouchareb pour diriger une instance collégiale à la tête du parti, en remplacement de Djamel Ould Abbes. Cette décision a suscité de nombreuses interrogations sur les motivations du président et les implications pour l’avenir politique du pays.
Le contexte politique algérien en 2018
Pour comprendre ce choix, il faut d’abord rappeler le contexte politique de l’Algérie à cette époque. En 2018, le pays se préparait à l’élection présidentielle prévue pour avril 2019. Le président Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, était pressenti pour briguer un cinquième mandat malgré son état de santé fragile.
Le FLN, parti historique issu de la guerre d’indépendance, dominait toujours la scène politique algérienne. Cependant, des tensions internes et la contestation grandissante d’une partie de la population remettaient en question sa légitimité. Dans ce contexte, le choix du dirigeant du parti revêtait une importance capitale.
Le départ d’Ould Abbes : entre santé et stratégie politique
Un malaise cardiaque opportun
Officiellement, le départ de Djamel Ould Abbes de la tête du FLN est dû à des raisons de santé. L’ancien secrétaire général aurait été victime d’un malaise cardiaque nécessitant son hospitalisation. Cependant, certains observateurs y ont vu une manœuvre politique habilement orchestrée.
Les critiques contre Ould Abbes
Ould Abbes faisait l’objet de nombreuses critiques au sein même du FLN. On lui reprochait notamment sa gestion autoritaire du parti et son manque de vision stratégique. De plus, son âge avancé (84 ans en 2018) posait la question du renouvellement générationnel au sein de la formation politique.
Le profil de Mouad Bouchareb : un choix stratégique
Un jeune cadre dynamique
En choisissant Mouad Bouchareb, né en 1971, Bouteflika a opté pour un rajeunissement à la tête du FLN. Ce choix visait à donner une image plus dynamique au parti, tout en gardant le contrôle sur un cadre formé dans ses rangs.
Un parcours politique au sein du système
Bouchareb n’était pas un novice en politique. Il avait déjà occupé le poste de président de l’Assemblée populaire nationale (APN) et s’était illustré par sa loyauté envers le président Bouteflika. Son élection à la tête de l’APN en octobre 2018 avait d’ailleurs été perçue comme une montée en puissance orchestrée par le pouvoir.
Les enjeux de cette nomination
Préparer la campagne pour un cinquième mandat
Le choix de Bouchareb s’inscrivait clairement dans la perspective de l’élection présidentielle de 2019. En plaçant un homme de confiance à la tête du FLN, Bouteflika s’assurait du soutien total du parti pour sa probable candidature à un cinquième mandat.
Renouveler l’image du FLN
Face à la contestation croissante, notamment de la jeunesse algérienne, le pouvoir cherchait à moderniser l’image du FLN. La nomination d’un cadre plus jeune visait à insuffler un nouveau dynamisme au parti, sans pour autant remettre en cause ses fondamentaux.
Les réactions à cette nomination
Au sein du FLN : entre soutien et méfiance
La nomination de Bouchareb a été accueillie de manière mitigée au sein du FLN. Si certains cadres y ont vu une opportunité de renouveau, d’autres, plus anciens, ont exprimé des réserves quant à l’expérience politique du nouveau dirigeant.
L’opposition : une manœuvre de plus du pouvoir
Pour l’opposition algérienne, ce changement à la tête du FLN n’était qu’une énième manœuvre du pouvoir pour se maintenir en place. Certains partis ont dénoncé une décision prise sans consultation des instances du FLN, illustrant selon eux le fonctionnement autoritaire du régime.
Les conséquences à court et moyen terme
Une stabilité apparente avant la tempête
Dans un premier temps, la nomination de Bouchareb a semblé stabiliser le FLN et conforter le pouvoir de Bouteflika. Cependant, les événements qui ont suivi, notamment le déclenchement du Hirak en février 2019, ont montré les limites de cette stratégie.
L’échec du cinquième mandat
Malgré les efforts déployés, le projet de cinquième mandat pour Bouteflika a finalement échoué face à la mobilisation populaire. Bouchareb lui-même a été contraint de démissionner de son poste de président de l’APN en juillet 2019, emporté par la vague de contestation.
Les leçons à tirer de cet épisode politique
Les limites du renouvellement de façade
Le choix de Bouchareb illustre les limites d’un renouvellement purement cosmétique du système politique algérien. Malgré le changement de visage à la tête du FLN, les structures et les pratiques du pouvoir sont restées largement inchangées.
La nécessité d’une réforme en profondeur
Cet épisode a mis en lumière la nécessité d’une réforme en profondeur du système politique algérien. Le Hirak, qui a suivi, a exprimé cette aspiration populaire à un changement réel et non plus simplement de façade.
Perspectives pour l’avenir politique de l’Algérie
Vers une nouvelle génération politique ?
L’échec de la stratégie incarnée par la nomination de Bouchareb pose la question de l’émergence d’une nouvelle génération politique en Algérie. Le défi consiste à renouveler la classe dirigeante tout en préservant la stabilité du pays.
Les défis du FLN dans l’Algérie post-Bouteflika
Pour le FLN, l’enjeu est désormais de se réinventer dans une Algérie post-Bouteflika. Le parti doit trouver un équilibre entre son héritage historique et la nécessité de s’adapter aux aspirations d’une société en mutation.
En conclusion, le choix de Mouad Bouchareb pour remplacer Ould Abbes à la tête du FLN en 2018 s’inscrivait dans une stratégie politique visant à maintenir le statu quo tout en donnant l’illusion du changement. Cet épisode illustre les contradictions et les limites du système politique algérien de l’époque Bouteflika. Il a également contribué, indirectement, à préparer le terrain pour les bouleversements politiques qui ont suivi avec le Hirak. L’Algérie se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire, cherchant à redéfinir son modèle politique et à répondre aux aspirations de sa population, particulièrement de sa jeunesse.